Travaux LE CABINET DU CORPUS INSCRIPTIONUM SEMITICARUM

Présentation, par Hélène Lozachmeur, auxiliaire de l’Académie De tout ce que j’ai fait, c’est le Corpus que j’aime le mieux . Ernest Renan

I. Le Projet : la création de cette prestigieuse publication (1867-1881)

 

Le 17 avril 1867, sur l’initiative d’Ernest RENAN, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres prenait la décision de publier le Corpus des Inscriptions sémitiques (= C I S).

Le projet de cette grande publication avait été mûri à la suite de la découverte fortuite, en 1855, du sarcophage d’Eshmounazar, l’un des rois de l’antique Sidon, conservé aujourd’hui au Louvre, et de la mission en Phénicie, en 1861, durant laquelle Renan avait lui-même recueilli sur plusieurs sites nombre d’inscriptions phéniciennes.

 

Renan, présentant devant ses confrères l’utilité de son projet, qui était à l’image des grands recueils allemands d’inscriptions grecques et latines, qui l’avaient précédé à Berlin, soutint que « par sa domination dans une partie de l’Afrique, par ses relations scientifiques avec l’Égypte, la Syrie, la Grèce ; par les nombreux monuments d’écriture sémitique qu’elle possède déjà dans ses musées ; par les missions ou voyages que des savants français ont récemment accomplis ; par les études suivies qui, depuis quelques années, ont été faites chez nous des monuments écrits de l’Orient sémitique, la France semble désignée pour donner un tel recueil au monde savant. Un tel recueil, poursuivait-il, doit être mis au-dessus des causes d’interruption qui frappent toutes les œuvres individuelles ; il doit être confié à une compagnie savante ayant des traditions et de la continuité. La Compagnie qui a possédé dans son sein l’illustre fondateur de ces études, l’abbé Jean-Jacques Barthélemy, est pour cela naturellement désignée ».

II. Le cabinet du Corpus Inscriptionum Semiticarum : un centre de publications (1867-1962)

La Commission chargée d’examiner le projet avait pensé que  » le recueil devait contenir tous les textes anciens en langues sémitiques, écrits en caractères sémitiques. L’écriture serait ainsi la loi du recueil et en constituerait l’unité « . Les caractères sémitiques visés étaient ceux de l’écriture alphabétique uniquement et l’espace chronologique retenu allait de l’extrême fin du deuxième millénaire ou des débuts du premier millénaire avant J.-C. aux premiers siècles de notre ère, avant l’Hégire. Le plan de l’ouvrage avait été établi ainsi en cinq parties : I. Inscriptions phéniciennes, puniques et néo-puniques ; II. Inscriptions araméennes, palmyréniennes, nabatéennes ; III. Inscriptions hébraïques ; IV. Inscriptions himyarites, sabéennes ; V. Inscriptions saracéniennes, lihyanites, safaïtiques et thamoudéennes.

 

La parution de l’ouvrage fut considérablement retardée. Par la guerre, d’abord, puis par la fabrication des caractères phéniciens, commandés à l’Imprimerie nationale et dont la première gravure ne parut plus exacte, à la lumière des inscriptions nouvellement exhumées alors, et qu’il fallut refaire. Entouré des soins vigilants d’une équipe de savants, attachés au Cabinet du Corpus, aidés par les initiatives et les efforts de chercheurs et de correspondants sur le terrain, au Proche-Orient, en Afrique du Nord, le premier fascicule de la première partie parut en 1881, salué par la presse scientifique internationale. Ainsi, toute une lignée d’érudits, parmi lesquels Philippe Berger, Melchior de Vogüé, Waddington, Halévy, Charles Clermont-Ganneau, Jean-Baptiste Chabot et René Dussaud, notamment, participa à la rédaction de l’ouvrage dont l’édition se poursuivit jusqu’en 1962.

 

Au fil de la parution des fascicules, cependant, compte tenu des difficultés propres à l’épigraphie sémitique, fut vivement ressenti et exprimé dès 1899 le besoin de créer, parallèlement et complémentairement au grand ouvrage, un petit recueil, le Répertoire d’Épigraphie sémitique, présentant sans retard et de façon volontairement succincte les inscriptions au fur et à mesure qu’elles étaient connues. Ce Répertoire (= R. E. S.) devait être à l’égard du Corpus ce qu’était l’Ephemeris epigraphica latina au Corpus Inscriptionum Latinarum.

III. Vers de nouvelles orientations (1972-2000)

Dans les quelque cinquante dernières années, toutefois, l’impossibilité d’éditer, comme on l’avait fait précédemment, les inscriptions par sites, au fur et à mesure qu’elles étaient regroupées et étudiées, s’est clairement manifestée. Le latin, langue internationale d’alors utilisée pour la rédaction, était devenu, en outre, une entrave et le format in-folio du recueil tout à fait inadéquat. La publication fut suspendue momentanément ; André Dupont-Sommer, Secrétaire perpétuel de l’Académie, qui avait vivement souhaité aux débuts des années 1970 rendre vie au Corpus et mis, durant un temps, tout en œuvre pour réaliser ce rêve, consacra finalement l’éclatement de cette entreprise en privilégiant un projet relatif à l’édition des inscriptions sud-arabiques (suite de la Pars IV). Une conception nouvelle, née de la réflexion et de l’expérience et reposant sur des bases plus sûres et plus modestes aussi, un format d’édition plus approprié, l’abandon définitif du latin, furent dorénavant envisagés pour ces nouvelles éditions, qui prirent en quelque sorte le relais de la grande édition.

 

Ce sont :

le Corpus des Inscriptions et Antiquités sud-arabes (CIASA), sous le patronage de l’Académie et sous la direction de Jacqueline Pirenne, entre 1977 et 1986 ;

l’Inventaire des Inscriptions sudarabiques, fruit d’une entreprise conjointe de l’Académie et de l’Istituto italiano per il Medio ed Estremo Oriente de Rome, sous la direction de Christian J. Robin, dont la publication tantôt à Paris, tantôt à Rome, se poursuit activement depuis 1992.

 

V. Le cabinet du Corpus Inscriptionum Semiticarum : un centre d’archives

Le cabinet conserve, en effet, outre quelques documents et monuments originaux, un fonds précieux d’archives relatives à l’épigraphie ouest-sémitique et à la documentation qui a servi à l’établissement et la rédaction du Corpus.

  • une partie de la correspondance adressée aux rédacteurs du Corpus et relative aux découvertes et publications d’inscriptions,
  • quelques carnets de voyages, de fouilles, des notes de travail et de cours,
  • des collections précieuses de moulages et surtout d’estampages,
  • une photothèque,
  • une bibliothèque, comprenant des ouvrages anciens, remontant, notamment, aux débuts des travaux du Corpus.

Ces fonds sont consultables sur demande dûment motivée.

 

Liste des Présidents de la Commission du Corpus Inscriptionum Semiticarum depuis sa création :

  • E. Renan,
  • H. Derenbourg,
  • R. Dussaud,
  • Jean-Baptiste Chabot,
  • A. Dupont-Sommer,
  • A. Caquot.

Collaborent régulièrement ou de façon ponctuelle aux travaux du Cabinet du C. I. S. des auxiliaires de l’Académie nommés par la Commission de Travaux.

N. B. : L’inventaire informatisé de tous ces fonds n’a pu être encore réalisé. Pour de plus amples ou plus précises informations sur le Cabinet du Corpus, ses publications, ses archives, prenez contact auprès de :

l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Cabinet du Corpus Inscriptionum Semiticarum, 23, quai de Conti, 75006. Paris

Téléphone : 33 1 44 41 44 41, poste 40 34 / Fax : 33 1 44 41 43 11

Adresse électronique : catherine.fauveaud[AT]ivry.cnrs.fr (remplacer le [AT] par @)

 

Le Corpus des Inscriptions Sémitiques (CIS)

BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE

René DUSSAUD, La nouvelle Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (1795-1914),2 volumes I et II, Paris, P. Geuthner, 1946-1947, p. 289, 425, 745, 748 entre autres.

André DUPONT-SOMMER, « Ernest Renan et le Corpus des Inscriptions sémitiques« , Comptes rendus des séances de l’Académie, 1968/4, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, p. 3-14.

André CAQUOT, « L’épigraphie sémitique. Discours de clôture de l’Année épigraphique« , Comptes rendus des séances de l’Académie, 1988/3, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, p 10-15.

Jean LECLANT, « Une tradition : l’épigraphie à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres« , Comptes rendus des séances de l’Académie, 1988/4, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, p. 3-21.)]