Société asiatique Jean-Louis BACQUE-GRAMMONT

Communications :

Monsieur Jean-Louis BACQUĖ-GRAMMONT, Directeur de recherche émérite au CNRS,
a présenté les communications suivantes lors des séances du vendredi :

Séance du 10 février 2012

« L’autre, l’ennemi, le diabolique. Quelques exemples ottomans. »

Un passage d’une chronique persane avait récemment attiré notre attention sur la facilité avec laquelle, à l’occasion d’un affrontement mineur, des adversaires présentant des caractéristiques physiques inhabituelles – des Abyssins en l’occurrence – pouvaient laisser quelques décennies plus tard le souvenir de véritables monstres, voire de créatures sorties de l’enfer. On trouverait sans peine nombre de cas analogues de « diabolisation » de l’adversaire, aussi bien dans des chroniques latines évoquant les Huns que dans celles de l’Iran où il est question des Mongols. La curiosité nous a poussé à entreprendre quelques recherches pour voir s’il en va de même dans la littérature ottomane, pourtant moins marquée par la mémoire d’événements d’une violence comparable. Nous souhaitons faire partager la moisson d’informations ainsi obtenues aussi bien qu’un étonnement fort naturel devant la convergence des attitudes auxquelles elles donnent lieu en Orient et en Occident.

Séance du 7 février 2014

« La légende du détournement du Danube d’après le voyageur ottoman Evliyâ Çelebî »

Evliyâ Çelebî (1611-1684) parcourut en tous sens pendant plus de quarante années le territoire ottoman et quelques régions adjacentes. On trouve la relation de ces voyages dans dix épais volumes où des données extrêmement précises et précieuses pour les historiens côtoient des anecdotes de toute sorte dans lesquels l’auteur donne libre cours à une imagination débordante. De ces dernières, nous présenterons la légende du détournement du Danube qui aurait été réalisé en des temps fabuleux pour assurer de manière pérenne l’alimentation en eau de la future Byzance-Constantinople-Istanbul. Mais, sitôt achevé, le résultat de ce véritable travail de Romain avant l’heure aurait été aussitôt anéanti à la suite des manifestations d’orgueil de son constructeur mythique.

Séance du 14 novembre 2014

« Un port effacé du rivage. Regards sur Alexandrette/Iskenderun au XVIIe siècle ».

À l’époque médiévale, Alexandrette et Ayas, située plus au nord, connurent une certaine prospérité dans la mesure où leur position géographique faisait d’elles les ports naturels d’Alep, carrefour des routes commerciales venant de toutes les directions. Au XVIIe siècle, les descriptions des voyageurs présentent Alexandrette comme un très modeste chef-lieu de kaza, juridiction d’un cadi. En effet, l’absence d’aménagements portuaires (les navires devaient s’échouer sur la plage) jointe à l’insécurité chronique due à l’activité des pirates en avaient éloigné le trafic commercial. Un voyageur français, Julien Bordier, affirme même avoir assisté à la destruction délibérée d’Alexandrette par les autorités ottomanes afin qu’elle ne puisse plus être utilisée comme base par les malfaiteurs. Il s’agit là d’un témoignage inédit venant s’ajouter à ceux dont on dispose sur les troubles sérieux auxquels l’empire Ottoman dut soudain faire face à la même époque, au lendemain de l’épuisante « longue guerre » contre l’Autriche : révolte hétérodoxe en Asie Mineure, attaques des Cosaques sur les côtes de la mer Noire et jusqu’au Bosphore, etc.

Séance du 18 décembre 2015

« Sur quelques talismans d’Istanbul dans la relation de voyage d’Evliyâ Çelebî ».

Si, pour nous en tenir à la définition du dictionnaire de Littré, on qualifie de merveille une chose qui cause de l’admiration et qui, partant, apparaît extraordinaire, hors des normes connues, on admettra que ce résultat peut ou pourrait être obtenu, entre autres, par des talismans, soit, toujours selon le même auteur, « certaines figures ou caractères gravés sur la pierre ou sur le métal, auxquels on attribue des relations avec les astres, et des vertus extraordinaires, suivant la constellation sous laquelle ils ont été gravés ». Or, ayant maintes fois rencontré la mention de ces objets de forme et de nature très diverses et peu explicite dans la relation du voyageur ottoman Evliyâ Çelebî (1611-1684), il nous a semblé qu’il ne devait pas être inintéressant d’y poursuivre la recherche des occurrences les plus notables.
Dans les dix volumes de cette relation (Seyâhat-nâme), nous avons ainsi relevé 42 occurrences significatives des mots tılısm et mutalsamânât auxquelles s’ajoutent quelques redites et, sans aucun doute, beaucoup de cas qui ont échappé à notre attention. Quoi qu’il en soit, cet embryon de corpus apparaît suffisant pour examiner de plus près la manière dont un Ottoman relativement cultivé du milieu du XVIIe siècle pouvait envisager ces amulettes et les pouvoirs qu’il leur attribuait. Nous limiterons ici notre exposé à quatre cas, ceux des chérubins, des pendentifs de Sainte-Sophie et des trois monuments caractéristiques de l’Atmeydanı, vestige de l’antique Hippodrome de Byzance.


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