Société asiatique Jean CALMARD

Communications :

M. Jean CALMARD, directeur de recherches honoraire au CNRS, a présenté les communications suivantes lors des séances du vendredi :

Séance du 5 décembre 2014

« Le général Claude-Auguste Court (1793-1880) : itinéraires et services en Perse (1821-1826) »

Entré en 1813, à l’âge de vingt ans, dans les armées napoléoniennes, Court partagea en 1815 le sort de beaucoup d’officiers qui partirent chercher du service à l’étranger. Certains allèrent chercher fortune aux Amériques, d’autres, peut-être en souvenir des projets ambitieux de Napoléon pour l’Orient, allèrent en Egypte, en Turquie, en Russie, en Perse, en Inde. Court est surtout connu pour ses services au royaume sikh du Pendjab, auprès du Maharajah Ranjit Singh. Mais il servit d’abord en Perse, auprès des princes de Kermanshah (1821-1826). Il nous a laissé ses « Mémoires » en cinq volumes conservés au Musée Guimet. Cette relation concerne ses itinéraires et ses services de la Syrie à Lahore. Nous préparons l’édition de la partie concernant la Syrie, la Perse, l’Afghanistan (jusqu’à Kandahar). Pour cette édition, je travaille sur la saisie du texte effectuée par mon épouse Jacqueline, rédactrice des publications de la Société d’Histoire de l’Orient. La partie indienne sera éditée par M. Pierre Cambon, conservateur en chef au Musée Guimet, à qui l’on doit la redécouverte des « Mémoires ». Court était un homme cultivé, féru d’histoire ancienne, d’archéologie, observateur de la société, de la politique. Ses références d’Alexandre le Grand, dont il suit en partie le parcours, sont très nombreuses. La préparation de cette édition nous a amené à réfléchir sur le contexte géopolitique dans lequel se déroulèrent les activités de Court. C’était l’époque de la rivalité entre les empires russe et britannique en Inde que l’on a appelé « The Great Game in Asia ». Le contrôle de l’Inde revenait alors à la East India Company qui s’inquiétait de l’avance russe en Perse et en Asie centrale. La Perse et l’Afghanistan étaient l’objet de manœuvres politico-diplomatiques. Les agents britanniques, très actifs dans les zones sensibles, surveillaient de très près les agissements des « voyageurs » qui sillonnaient les routes.

Séance du 18 décembre 2015

« « Madame de la Marinière » : une dame française à la cour de Perse ».

Depuis les années 1980, des collègues et des étudiants m’ont signalé la présence à la BnF d’un manuscrit persan anonyme relatant un voyage dans le sud de la Perse fait, dans les années 1836-37, par une dame française. J’ai très vite identifié cette personne comme étant « Madame de la Marinière », ainsi mentionnée par divers voyageurs. Des recherches généalogiques, entreprises avec mon épouse Jacqueline, m’ont permis d’identifier cette dame comme étant, de son vrai nom, Louise Phélippes de la Marnierre (Paris 1781 – Chiraz 1840). Louise était de famille noble, liée à « la nébuleuse aristocratique du duc de Penthièvre ». J’avais préparé une traduction annotée de son « Voyage à Chiraz » et une étude biographique la concernant. Tous ces documents ont été perdus, suite à un « virus » informatique. Je reconstitue maintenant ce travail et je présente ici des éléments biographiques retraçant la présence de Louise en Perse. On ignore pratiquement tout de son enfance et de son adolescence. D’après des confidences rapportées dans divers témoignages, elle aurait connu, très jeune, le futur Louis Philippe. Elle dit aussi avoir servi comme lectrice dans les cours des sœurs de Napoléon : Caroline Murat à Naples ; Élisa Baciocchi à Piombino. On ne sait rien de précis sur son bref passage à Tiflis en compagnie de son mari napolitain, le docteur Castaldi, que « des événements extraordinaires » amenèrent à s’enfuir à Tabriz où il mourut accidentellement en 1820. C’est avec la protection et l’aide financière de l’ambassadeur de Russie, Mazarovitch, que Louise put séjourner à Tabriz et obtenir un poste d’institutrice à la cour « des filles » du prince qâdjâr ’Abbâs Mirzâ. Elle est cependant connue pour l’enseignement du français et d’autres matières qu’elle prodigua à des princes qâdjârs. Louise continua à bénéficier de la protection russe. Les témoignages la concernant sont d’abord en russe, puis en anglais. Ce n’est qu’à partir de la brève mission diplomatique du comte de Sercey en Perse (1839-40) que l’on trouve des témoignages en français sur cette dame qui alla mourir à Chiraz sans avoir reçu le moindre secours de la France. C’est à l’appui de ces divers témoignages que je compte mettre en évidence la personnalité et la destinée hors du commun de cette dame à laquelle on a pu attribuer le maintien de la présence française en Perse, en l’absence d’une représentation diplomatique française en ce pays.


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