Manifestations Étrusques

Étrusques

Musée Maillol, 18 septembre 2013-9 février 2014

Mardi 14 janvier, Mme Patrizia Nitti a reçu au musée Maillol, dont elle est la directrice artistique, un groupe de membres et de correspondants de l’Académie pour une visite privée de l’exposition « Étrusques » conduite par M. Dominique Briquel, étruscologue et correspondant de l’Académie. Elle a présenté en quelques mots cette exposition conçue comme un voyage à travers la péninsule italienne, à la découverte de ce peuple singulier et encore mal connu du grand public qui en a surtout retenu les réalisations ressortissant à l’art funéraire.

Le commissariat a choisi un parcours tout à la fois chronologique et topographique en abordant l’ensemble des aspects de la vie quotidienne de ce peuple antique dont la civilisation apparue au IXe siècle, lors de la période dite villanovienne, perdure jusqu’au Ier siècle av. J.-C., à l’époque de l’achèvement de la conquête romaine et de sa romanisation progressive.

Provenant des plus prestigieuses collections italiennes, les 250 œuvres présentées dans le cadre de cette exposition recomposent ainsi l’univers des Étrusques, à travers l’art, l’architecture, l’écriture, la religion, l’artisanat et les objets du quotidien.

L’exposition s’ouvre avec la présentation de singulières urnes-cabanes cinéraires datant de la période la plus ancienne et des éléments architectoniques illustrant l’évolution au cours des VIIe et VIe siècles des constructions vers une architecture palatiale alors que se développent les premiers contacts avec la Grèce. M. Dominique Briquel a, tout au long de son commentaire, étayé son analyse des œuvres en se référant aux textes antiques.

La question des liens avec la Grèce et de l’influence grecque a été abordée à de nombreuses reprises durant la visite, notamment dans le domaine de la céramique qui suscita un tel engouement chez les Étrusques. Découverts en très grande quantité dans leurs tombes, les vases qui y étaient déposés témoignent des liens à la fois commerciaux et artistiques qu’ils établirent avec la Grèce. Objets d’importation luxueux signés par de célèbres peintres grecs comme le Peintre de Penthésilée, vases de production étrusque imitant des modèles grecs, bucchero nero typiquement étrusque exporté dans tout le bassin méditerranéen ou même vases de fabrication grecque empruntant une forme étrusque et exclusivement destiné à une clientèle étrusque, la diversité de cette céramique a été mise en lumière par M. Alain Pasquier, membre de l’Académie et ancien directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre. Parmi les spécimens exposés, on reconnaîtra notamment une hydrie de Caeré représentant Héraclès amenant Cerbère à Eurysthée ; à la finesse du trait et à la délicatesse de la polychromie s’ajoute l’humour du traitement de la scène puisque le tyran effrayé par le gardien des Enfers cherche à se cacher… dans un tonneau.

On se rappellera que l’on a longtemps cru que tous les vases découverts en Étrurie étaient de fabrication locale et que l’engouement suscité par leur profusion même sema la confusion si bien que l’on qualifiait souvent, au XVIIIe siècle et encore au début du XIXe siècle, d’étrusque toute production grecque ou même, plus largement, tout ce qui était antique, sans distinction. Témoignent de ces amalgames, la célèbre nouvelle de Mérimée intitulée précisément Le Vase étrusque ou plus récemment le magasin de porcelaine de la place de la Madeleine du même nom, aujourd’hui disparu.

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres s’est très tôt intéressé aux études étrusques comme en témoignent les nombreuses communications présentées lors de sa séance hebdomadaire. Les Comptes rendus (CRAI) de ces après-midis reflètent son intérêt particulier pour la langue étrusque qui, malgré l’application des méthodes étymologique, combinatoire ou bilinguistique, est restée pour la majeure partie incompréhensible bien que l’alphabet en soit parfaitement lisible. Parmi les avancées dont l’Académie a eu la primeur, on peut citer l’analyse présentée en 1989 par M. Dominique Briquel et Mme Françoise Gaultier, d’une inscription du Louvre d’importance capitale, puisqu’elle est une des rares inscriptions étrusques à se rapporter à une figure connue par les textes, et où on lit le nom Mézence, l’un des personnages importants de l’Enéide, ennemi d’Enée.

Quelques références en ligne sur Persée :

Bréal Michel. « Les rapports de l’alphabet étrusque avec l’alphabet latin ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 4, 1890. pp. 317-318. (Consulté le 17 janvier 2014)

Maury Alfred. « Mémoire sur la langue étrusque ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1858. pp. 166-179. (Consulté le 17 janvier 2014)

Martha Jules. « L’interprétation de la langue étrusque » (partie 1). In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 1, 1912. pp. 27-28. (Consulté le 17 janvier 2014)

Lewy Julius. « Sur quelques suffixes et conglutinations de suffixes communs aux noms propres hurrites et étrusques ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 5, 1938. pp. 401-412. (Consulté le 24 janvier 2014)

Georgiev Vladimir. « État actuel du déchiffrement de la langue étrusque ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 4, 1971. pp. 639-654. (Consulté le 24 janvier 2014)

Gaultier Françoise, Briquel Dominique. « Réexamen d’une inscription des collections du musée du Louvre : un Mézence à Caeré au VIIe siècle av. J.-C. » In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 1, 1989. pp. 99-115. (Consulté le 29 janvier 2014)

L’exposition consacre également une section à ce sujet et présente des documents très importants, parmi les plus longs dont on dispose dans cette langue, comme la reproduction des lamelles d’or de Pyrgi inscrites à la fois en phénicien et en étrusque ou la fameuse tablette de Cortone, qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets.

L’Académie a compté parmi ses membres d’éminents spécialistes ayant consacré d’importants travaux au monde étrusque : le Comte de Caylus, Stéphane Gsell (1864 – O 1923 – 1932), Albert Grenier (1878 – O 1942 – 1961) ou bien, plus près de nous, Raymond Bloch (1914 – O 1982 – 1997), Jacques Heurgon (1903 – O 1968 – 1995), l’associé étranger Massimo Pallottino (1909 – AE 1975 – 1995) et le linguiste Michel Lejeune ( (1907 – O 1963 – 2000), pour ne citer que quelques noms. Jacques Heurgon, à qui l’on doit une Vie quotidienne chez les Étrusques qui rencontra un très grand succès, était fort attentif à l’histoire de l’étruscologie dont il a retracé les grandes étapes de la formation et mis en évidence les principaux jalons lors de la séance publique annuelle de l’AIBL en 1973. Cet aspect historiographique est également évoqué par l’exposition avec la présentation des panneaux de la tombe des Biges de Tarquinia reproduits par l’italien Carlo Ruspi (1798-1863) en 1835 et devenus l’unique témoignage de fresques gravement endommagées depuis.

Plus d’informations à l’adresse : http://www.museemaillol.com/expositions/etrusques/presentation/Catalogue de l’exposition : Étrusques, musée Maillol-Fondation Dina Vierny/Éditions Gallimard, 2013.

En ligne sur Persée :

Casati C.-Ch. « Mémoire sur la céramique étrusque et particulièrement sur les vases de terre noire, dite de bucchero ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 3, 1887. p. 325. (Consulté le 17 janvier 2014)

Nougayrol Jean. « Les rapports des haruspicines étrusque et assyro-babylonienne, et le foie d’argile de Falerii Veteres (Villa Giulia 3786) ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 4, 1955. pp. 509-519. (Consulté le 24 janvier 2014)

Bloch Raymond. « Découverte des ruines de la ville étrusque de Volsinies ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 2, 1946. pp. 236-240. (Consulté le 24 janvier 2014)

Bloch Raymond. « Découverte d’un habitat étrusque archaïque ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 1, 1963. pp. 31-45. (Consulté le 17 janvier 2014)

Heurgon Jacques. « Les inscriptions de Pyrgi et l’alliance étrusco-punique autour de 500 av. J.-C. ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 1, 1965. pp. 89-104. (Consulté le 23 janvier 2014)

Heurgon Jacques. « La découverte des Étrusques au début du XIXe siècle ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 4, 1973. pp. 591-600. (Consulté le 17 janvier 2014)[Briquel Dominique. « Les figures féminines dans la tradition sur les rois étrusques de Rome ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 2, 1998. pp. 397-414.->http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_2_15871] (Consulté le 24 janvier 2014)

Briquel Dominique. « Les inscriptions étrusques conservées dans les musées de province ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 1, 2001. pp. 9-24. (Consulté le 24 janvier 2014)

Gaultier Françoise. « Héraclès à Cerveteri : sur quelques terres cuites étrusques du musée du Louvre ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 4, 2008. pp. 1465-1493.->http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2008_num_152_4_92238] (Consulté le 24 janvier 2014)