Séances Séance du 21 janvier 2022

– Note d’information de Mme Françoise BRIQUEL-CHATONNET, M. Christian ROBIN, membres de l’Académie, M. Alain Desreumaux, directeur de recherche au CNRS, et M. Mashʿal ʿAbd Allāh Āl Qirād : « Une stèle funéraire en langue syriaque, découverte à Najrān (Arabie saʿūdite) ».

Résumé :L’oasis de Najran, au sud de l’Arabie saʿūdite, est connue pour avoir abrité une importante communauté chrétienne au VIe siècle et au début du VIIe siècle. Le devenir de cette communauté, après l’expulsion par ʿUmar ibn al-Khaṭṭāb en 640, était mal connu par quelques sources historiographiques. La découverte récente d’inscriptions chrétiennes en arabe d’époque islamique, puis celle d’inscriptions syriaques, dont l’une fait l’objet de cette note d’information, implique la présence de chrétiens ayant un certain statut social jusqu’à une date relativement tardive, les XIIe-XIVe siècles, soit plus de 500 ans après l’Islam.

Abstract : The oasis of Najran, south of Saudi Arabia, is known to have been housing a Christian community at the sixth century and at the beginning of the seventh century. The fate of this community, after the expulsion by ʿUmar ibn al-Khaṭṭāb in 640, has been misapprehended by some historiographic sources. The recent discovery of arab-language Christian inscriptions from the Islamic period, and then the discovery of some Syriac inscriptions, one of which is discussed in this information note, brings to light the presence of Christians with particular social status until the twelfth-fourteenth centuries, more than five hundred years after Islam.

– Communication de M. Luc Bourgeois, professeur à l’université de Caen, sous le patronage commun de MM. Michel BUR et Dominique BARTHÉLEMY : « Genèse du château médiéval français : données récentes sur les résidences des élites de la fin du IXe au début du XIe siècle ».

Résumé : La question des origines du château a joué un rôle crucial dans la légitimation de l’archéologie médiévale française à partir des années 1960. Ce thème a d’abord été abordé en étudiant des mottes castrales ou des enceintes annulaires en terre et en retraçant les mutations des grands châteaux en pierre et des complexes palatiaux dans la longue durée.

L’essor récent des opérations archéologiques préventives sur de vastes surfaces, de l’archéologie du bâti et des datations physico-chimiques a ouvert de nouvelles perspectives. Plus que l’étude du seul phénomène castral à partir des environs de l’an Mil, les recherches menées au cours de deux dernières décennies envisagent la très grande diversité des résidences des élites à la fin du premier millénaire. Ces travaux ont révélé des formes d’habitat différentes et souvent plus discrètes. Il peut s’agir de complexes non fortifiés et se développant autour d’une cour, de tours établies en marge d’un centre domanial, de maisons un peu plus cossues intégrées à un village voire de grottes mises en défense. Les critères architecturaux ne suffisant plus toujours à caractériser ces habitats privilégiés, l’analyse des assemblages de mobilier joue désormais un rôle essentiel pour hiérarchiser ces sites et leurs occupants.

Parallèlement, la multiplication des enquêtes consacrées aux premiers siècles du Moyen Âge fournit de nouveaux jalons pour envisager la genèse des principales composantes du château «  classique  » des XIe-XIIe siècles  : passage de la grande salle à deux niveaux à la tour maîtresse résidentielle, évolution des enceintes, organisation en deux cours, naissance de la motte castrale, etc.

Le Xe siècle constitue un moment charnière mais quelque peu ambigu de cette métamorphose progressive. D’un côté, il correspond à la diffusion de nouvelles solutions architecturales et à la multiplication des résidences fortifiées, de l’autre, il multiplie les références au passé romain voire protohistorique, qui contribuent sans doute à légitimer l’ancrage territorial des possesseurs de ces résidences.

 

Abstract : The question of the origins of the castle played a key role in the legitimisation of French medieval archaeology from the 1960s onwards. This theme was first examined through the study of earth and timber castles (mottes or ringworks) and through the exploration of long-term changes in large stone castles and palace complexes.

The recent development of large-scale preventive archaeological operations, elevation archaeology and physical-chemical dating has opened up new perspectives. More than just the study of the castral phenomenon from c. 1000 onwards, research carried out over the last two decades has looked at the great diversity of elite residences at the end of the first millennium. These may be unfortified complexes built around a courtyard, towers on the fringes of an estate centre, slightly more opulent houses integrated into a village, or even fortified caves. As architectural criteria are no longer always sufficient to characterise these privileged settlements, the analysis of finds assemblages now plays an essential role in hierarchising these sites and their occupants.

At the same time, the increasing number of surveys devoted to the first centuries of the Middle Ages provides new indicators for considering the genesis of the main components of the “classic” castle of the eleventh and twelfth centuries : the transition from the two-storey great hall to the residential keep, the evolution of the surrounding walls, the birth of the motte, etc.

The tenth century is a crucial but somewhat ambiguous moment in this slow metamorphosis. On the one hand, it witnessed the diffusion of new architectural solutions and the multiplication of fortified residences, but on the other hand, references to the Roman or even protohistoric past became more numerous, which undoubtedly contributed to legitimising the territorial anchoring of their owners.