Séances Séance du 6 avril 2018

Le programme de cette séance s’inscrit dans le cadre du colloque « Les sociétés tribales en Afrique du Nord ». Pour en savoir plus sur cette journée d’études >>

Communication de M. René Rebuffat, directeur de recherche honoraire au CNRS, sous le patronage de M. John SCHEID : « La Tripolitaine romaine et les peuples indigènes ».

Résumé : Les peuples confrontés à la Tripolitaine romaine, les Maces et les Garamantes, ont deux traits communs, d’immenses territoires, et une longue histoire commençant bien avant l’époque romaine La différence essentielle est que les Romains se sont insérés dans le territoire mace, et que les Garamantes sont restés essentiellement indépendants Ainsi fournissent-ils à tous les historiens de toutes les gentes connues pendant l’époque romaine deux modèles essentiels de cohabitation, l’une intime, l’autre distante. Leur histoire politique est contrastée, mais on peut dans les deux cas caractériser leurs relations administratives ou commerciales, linguistiques, religieuses avec les Romains, symbiose qui n’a cessé qu’à l’arrivée des Arabes.

Abstract : Two peoples confronted by the Roman Tripolitania have comparable immense territories and a very long story, beginning with long centuries before the Roman period. But the difference is important :Roman were insert in Macean territory, while Garamants were essentialy independant. So they furnish at every historian of the gentes in Roman period two essential models of relation, one close, the other distant. Their political story is different, but we can study in every case their administratif, commercial, linguistic, religious relations with the Romans, symbiosis finding the end when the Arabs came.

Communication de M. Ahmed M’Charek, professeur émérite à la faculté des sciences humaines et sociales de l’Université de Tunis, sous le patronage de MM. Jehan DESANGES et Azedine BESCHAOUCH : « Continuité de l’ethnonymie au Maghreb, de l’Antiquité au Moyen Âge : le cas des Gétules Misiciri dans le Livre des Exemples d’Ibn Khaldun ».

Résumé : L’apport de l’épigraphie antique, complété par celui des sources médiévales, jette une lumière nouvelle sur les ethnonymes Nefza/ Nefzāwa et les communautés libyco-berbères qui les ont portés. Il permet d’obtenir de manière assurée, me semble-t-il, les résultats suivants : 1. Une meilleure connaissance du nom NFZi porté par une fraction du « peuple des Misiciri” qui vivait au Ier siècle ap. J.-C. dans une région numide située au sud d’Hippo Regius (l’actuelle Annaba en Algérie). Documenté par une série d’inscriptions libyques et latines, ce nom comporte – comme l’a déjà pressenti G. Camps – la même base lexicale “NFZ” que les ethnonymes Nefza/ Nefzāwa, attestés par des sources médiévales de haute époque ; 2- Dans une importance notice du Livre des Exemples, Ibn Khaldun rattache les tribus Nefzāwa au canton du sud tunisien qui porte leur nom, et attribue les Nefza (Walhāsa, Werfeğūma, Zugāla…) à la région des Aurès. Ce résultat de géographie historique – obtenu pour la première fois et étayé par la toponymie – vient confirmer l’hypothèse de René Rébuffat sur les origines gétules des Misiciri ; 3- On a affaire à deux groupes homonymes : les Nefza qui s’appelleraient à l’époque antique Nefz(enses) ou Nefz(ii), localisables dans le pays de Zabè (bilād al-Zāb des sources médiévales) et les Nefzāwa dont le nom serait identifiable avec celui des Nybgenii d’époque romaine, en raison d’une proximité linguistique et géographique depuis longtemps reconnue. Il s’avère en outre, que le nom des Misiciri (MSKRH en libyque) est attesté en Tripolitaine par des sources antiques et médiévales (y compris sur le territoire même des Nybgenii).

Abstract : The contribution of ancient epigraphy, supplemented by that of Medieval sources, sheds new light on the Nefza/ Nefzāwa ethnonyms and the Libyco-Berber communities that carried them. It makes it possible to confidently achieve, in my view, the following results :1. A better knowledge of the name NFZi carried by a fraction of the « people of Misiciri » who lived in the first century AD in a Numidian region south of Hippo Regius (present-day city of Annaba in Algeria). Documented by a series of Libyc and Latin inscriptions, this name includes – as G. Camps has already noted – the same lexical base « NFZ » as the Nefza / Nefzāwa ethnonyms, attested by older Medieval sources,2. In an important reference of the Book of Lessons, Ibn Khaldun links the Nefzāwa tribes to the southern Tunisian canton that bears their name, and attributes the Nefza (Walhāsa, Werfeğūma, Zugāla …) to the region of the Aures. This result of historical geography – achieved for the first time and supported by the toponymy – confirms René Rébuffat’s hypothesis on the Gaetuli origins of the Misiciri,3. We are dealing with two homonymous groups : the Nefza who would be called back in Antiquity Nefz(enses) or Nefz(ii), that can be located in the Zabè region (bilād al-Zāb in Medieval sources), and the Nefzāwa whose name would be identifiable with that of the Nybgenii in the Roman period because of a linguistic and geographical proximity that has long been recognized. It turns out, moreover, that the name of Misiciri (MSKRH in Libyque) is attested in Tripolitania by ancient and Medieval sources (including in the territory of the Nybgenii itself).