Séances Séance du 14 mars

Séance du 14 mars

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Communication de Mme Eva Buchi (directeur de recherche au CNRS) sous le patronage de M. Robert MARTIN : « La discussion paradigmatique autour du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) »

Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) est d’abord un projet lexicographique européen (surtout franco-allemand, car financé par l’ANR et la DFG), dont les articles sont publiés dans un premier temps sur un site Internet dédié (http://www.atilf.fr/DERom), et qui ambitionne de remplacer un jour le vénérable Romanisches Etymologisches Wörterbuch (REW3 1935) de Wilhelm Meyer-Lübke. Mais le DÉRom dépasse sa dimension strictement dictionnairique par le fait qu’il se trouve, quasiment depuis son lancement en septembre 2007, au centre d’un débat méthodologique qui ne semble pas près de s’essouffler. En effet, tout en se définissant comme une œuvre de fidélité vis-à-vis de Meyer-Lübke, le DÉRom se distingue de son illustre prédécesseur sur un point de méthode crucial : là où les étymons du REW sont constitués d’unités lexicales reprises au (ou du moins inspirées du) latin écrit, ceux du DÉRom sont reconstruits selon la méthode de la grammaire comparée, méthode jugée auparavant de peu d’intérêt dans le domaine de l’étymologie romane. Si le projet DÉRom a pu bénéficier d’un mouvement d’adhésion assez vaste, au point de réunir actuellement plus de cinquante chercheurs implantés dans seize pays, son ancrage méthodologique fait l’objet de critiques sévères, une frange non négligeable de la communauté des linguistes romanistes considérant comme inutile l’application de la reconstruction comparative à la matière lexicale romane. La présente conférence se propose d’une part de présenter les enjeux du débat, d’autre part de l’illustrer par des exemples concrets tirés du dictionnaire.

Mots-clés : étymologie, langues romanes, méthode comparative, paradigme, reconstruction

Lexicographical project Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) »

The Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) is first of all a European (mostly French and German, as it is financed by the ANR and the DFG) lexicographical project whose entries are being published initially on a specially dedicated web site (http://www.atilf.fr/DERom) and whose goal is to replace one day Wilhelm Meyer-Lübke’s venerable Romanisches Etymologisches Wörterbuch (REW3 1935). But the DÉRom has gone beyond its strictly lexicographical dimension, since it has been, practically since its launching in September 2007, the centre of a methodological debate which gives no indication of being on the verge of running out of steam. Indeed, while defining itself as a work loyal to the tradition of Meyer-Lübke, the DÉRom sets itself apart from its illustrious predecessor on the basis of a crucial methodological point: where REW’s etyma are made up of lexical units taken from (or at least inspired by) written Latin, DÉRom’s are reconstructed by the method of comparative grammar, a method formerly considered of little interest in the domain of Romance etymology.Whereas the DÉRom project has profited from a quite vast membership movement, numbering today more than fifty members from sixteen countries, its methodological orientation has led to serious critiques, as a significant group of Romance linguists considers pointless the application of comparative reconstruction to the Romance lexicon. This lecture intends on the one hand to present the issues at stake in this debate, and, on the other hand, to illustrate it by concrete examples from the dictionary.

Keywords: comparative method, etymology, Romance languages, paradigme, reconstructionsalanova.jpg

Communication de Mme Laure Salanova (Directrice de recherche au CNRS), sous le patronage de M. Jean GUILAINE : « Les premières communautés agropastorales de Bulgarie (6100-5600 av. J.-C.). Des productions matérielles aux sociétés humaines ».

Le début du Néolithique constitue une étape majeure de l’Histoire avec l’apparition de l’agriculture et de la poterie. Si ce changement est maintenant bien connu au Proche-Orient, où il se produit de façon graduelle entre 12 000 et 7 000 avant J.-C., peu de données étaient disponibles pour les Balkans qui tiennent pourtant le rôle essentiel de relais vers l’Ouest, un important jalon entre le Proche-Orient et l’Occident.

Les travaux menés entre 1986 et 2011 par une équipe interdisciplinaire sur le site de Kovačevo dans le Sud-Ouest de la Bulgarie ont en partie comblé ces lacunes. Grâce à une stratigraphie très bien conservée, les fouilles ont révélé l’ancienneté insoupçonnée des premières communautés agricoles dans les Balkans méridionaux qui apparaissent vers 6100 avant J.-C. L’étude du mobilier découvert lors des fouilles, en particulier des 23 tonnes de céramique, a été orientée vers l’identité culturelle des potiers et l’organisation sociale des activités artisanales sur le site, mettant en évidence la diversité des influences et la spécialisation croissante des productions. L’extension régionale de ce programme vers le Nord a, par contre, montré la pluralité des influences dans l’Ouest de la Bulgarie. Stratigraphies, productions céramiques et composition des cheptels montrent des différences significatives entre le Nord et le Sud du pays. A partir de ces résultats, les mécanismes de diffusion vers l’Ouest de l’Europe, et en particulier vers l’Italie où les plus anciens sites néolithiques apparaissent vers 5900 avant J.-C., sont discutés à travers les comparaisons de mobilier et des étapes de restructurations sociales qui accompagnent l’évolution des premières communautés agricoles de Bulgarie. Cette évolution et l’apparition du Néolithique plus à l’Ouest semblent en effet être liées par des phénomènes de migration. Le projet de fouilles que nous souhaitons développer en Bulgarie vise à comprendre les raisons de ces départs vers l’Ouest.

Mots-clés : Néolithique, poterie, agriculture, Balkans, Méditerranée

The beginning of the Neolithic represents a major step in the History with the apparition of agriculture and pottery. If this change is nowadays well known in the Near East, where it took place gradually between 12 000 and 7 000 cal. BC, few data were available for the Balkans, although this region has held an important role of relay westwards, a bridge between the Near East and the Western Europe.Between 1986 and 2011, an interdisciplinary team has worked in Kovačevo, located in the southwest corner of Bulgaria, filling partially this gap. The well-preserved stratigraphy has revealed the unsuspected age of the earliest Neolithic communities in the Southern Balkans, which appeared around 6100 cal. BC. The study of the material culture, especially of the 23 tons of pottery found during the excavation, was focused on the cultural identity of the potters and the social organisation of crafts on the site, highlighting influences diversity and increasing specialisation of the productions. Afterwards, an extending programme was developed northwards, demonstrating Neolithic plurality in Western Bulgaria. Sediment deposits, pottery productions and herd composition show meaningful differences between the North and the South of Bulgaria. From these results, diffusion mechanisms westwards are discussed, particularly to Italia where the earliest Neolithic sites are known around 5900 cal. BC, through material comparisons and social reorganization that went in parallel with the evolution of the first Neolithic communities from Bulgaria. This evolution and the Neolithic appearance westwards seem indeed to be linked by migration phenomena. The excavations project under development in Bulgaria aims to understand the motives of departures westwards.

Keywords: Neolithic, pottery, agriculture, Balkans, Mediterranean