Séances Séance du 14 février

Séance du 14 février

heck-2.jpgCommunication de M. Christian Heck, sous le patronage du Président Roland RECHT : « Liturgie et récits fondateurs dans l’art roman : les plaques émaillées de Henri de Blois».

Le British Museum conserve depuis 1852 deux pièces exceptionnelles, émaux sur cuivre réalisés par des orfèvres mosans, sans doute en Angleterre, vers le milieu du XIIe siècle. Elles forment deux demi-médaillons ; le premier représente deux anges balançant des encensoirs, l’un tenant un calice ; l’autre montre un évêque se prosternant et tenant à la fois sa crosse et ce qui est sans doute un autel portatif. Les plaques faisaient probablement partie d’une croix d’autel dont elles constituaient les extrémités supérieure et inférieure. Les textes portés sur ces pièces permettent d’identifier le donateur comme Henri de Blois, évêque de Winchester (1129-1171). Par la qualité du personnage, petit-fils de Guillaume le Conquérant, neveu du roi Henri Ier, frère du roi Etienne, et un des plus grands ecclésiastiques du XIIe siècle ; par l’excellence littéraire de l’inscription ; par la perfection technique et artistique de ces émaux, nous sommes en présence d’une œuvre de tout premier plan, qui a retenu depuis longtemps l’attention des historiens de l’art. Notre étude, qui relie l’anthropologie culturelle à ce qu’apportent les textes comme les œuvres d’art, se concentre sur le geste et la position du donateur, qui serre de ses deux bras l’autel portatif, et appuie sa tête contre le plat supérieur. Le lien direct entre la consécration des autels chrétiens, et la pierre dressée par Jacob à Béthel (Genèse 28), est affirmé par une longue série d’exégèses, par les textes liturgiques, et par une tradition épigraphique et iconographique présente dans les édifices religieux et leur décor. Dans ces séries, l’accent est mis en particulier sur l’acte de Jacob, qui a reçu sa vision alors qu’il dormait la tête posée contre la pierre. Des textes hagiographiques, exégétiques, des pratiques, des œuvres d’art, donnent à cet acte de poser sa tête contre un autel une valeur symbolique essentielle. Henri de Blois s’inscrit ici à la fois dans la liturgie, et dans le rappel volontaire d’un récit fondateur.

Mots-clés : émaux, art roman, Genèse 28, liturgie, Henri de Blois

Since 1852, two exceptionnal pieces are preserved in the British Museum : enamels on copper made by mosan goldsmiths, probably in England, about the middle of XIIth century. They form two half-medaillons; the first one presents two censing angels, one holding a chalice; the other shows a bishop as donor, holding his crossier and a portable altar. The plaques were parts of an altar cross, whom they constituted the upper and lower edges. The texts inscribed let identify the donor as Henry de Blois, bishop of Winchester (1129-1171). By the high position of the personnage, grandson of Guillaume le Conquérant, nephew of King Henri Ist, brother or King Stephen, and one of the more important ecclesiastics of XIIth c.; by the litterary perfection of the inscriptions; by the technical and artistic excellence of the enamels, we are in presence of a first rank work of art, which from a long time as retained attention of art historians. Our analysis, which relates cultural anthropology to the texts and the works of art, is focused on the gesture and position of the donor, who takes in his arms the portable altar, and puts his head on its upper surface. The direct relation between the consecration of christian altars, and the stone erected by Jacob in Bethel (Genesis 28), can be found in a long series of exegeses, in liturgical texts, and in an epigraphic and iconographic tradition in the religious buildings and their decoration. In theses series, the accent is put particularly on Jacob’s gesture, who received his vision when he slept, the head on the stone. Hagiographic and exegetic texts, practices, works of art, give to this act – the head on an altar – an essential symbolic value. Here Henri de Blois inscribes himself in the liturgy, and in the deliberate recall of a founder narrative.

Key words : enamels, romanesque art, Genesis 28, liturgy, Henri de Blois