Membre 2021

Vassos KARAGEORGHIS

Né le 29 avril 1929 à Trikomo (Chypre), Vassos KARAGEORGHIS, qui avait été élu associé étranger de l’Académie le 26 octobre 1984, au fauteuil de Georges DOSSIN, est décédé à Nicosie le 21 décembre 2021, à l’âge de 92 ans.

Maître incontesté de l’archéologie chypriote et historien incontournable de l’île de Chypre depuis la Préhistoire jusqu’à l’Antiquité classique, notamment à l’époque mycénienne, Vassos KARAGEORGHIS était un protohistorien et un helléniste de très haute réputation internationale. Diplômé de l’University College de Londres, où il fut notamment formé par Sir Mortimer Wheeler, qui l’initia aux méthodes de l’archéologie scientifique dans la ville romaine de Verulamium, il débuta sa longue carrière comme conservateur du musée de Chypre, avant de prendre la direction, à seulement 34 ans, du Service des Antiquités de la République de Chypre. Il fut professeur dans de nombreuses universités anglophones, à Harvard notamment, et directeur associé à la IVe Section de l’EPHE. Ses découvertes les plus remarquables ont été celles des nécropoles de Salamine et de Kition, auxquelles il consacra de nombreux ouvrages et catalogues. Il laisse une œuvre considérable, comportant plus de 70 monographies, et aura particulièrement contribué à mieux montrer comment Chypre a joué le rôle de pont entre l’Orient et l’Occident. Membre de nombreuses sociétés savantes, dont le Deutsches archäologisches Institut, la Society of Antiquaries of London et la Société archéologique d’Athènes, il avait été élu par plusieurs académies européennes parmi les plus prestigieuses : l’Académie d’Athènes, l’Accademia nazionale dei Lincei, la British Academy, l’Österreichische Akademie der Wissenschaften et l’Académie royale des Lettres, Histoire et Antiquités de Stockholm. Sa notoriété et l’ampleur de son œuvre lui ont valu de recevoir les doctorats honoris causa de très nombreuses Universités, à travers le monde, dont celles de Lyon, de Bruxelles, d’Oxford et de Göteborg.

Josef Van Ess

Né, à Aix-la-Chapelle, le 18 avril 1934, Josef Van Ess, qui avait été nommé correspondant étranger de l’Académie, le 31 mai 2002, à la place d’Azzedine BESCHAOUCH, s’est éteint, à Tübingen, le 20 novembre 2021, à l’âge de 87 ans. Islamologue, spécialiste de théologie musulmane, Josef Van Ess était professeur émérite de l’Université de Tübingen où il enseigna de 1968 à 1999. La haute notoriété de ses travaux

lui avait notamment valu d’être élu membre de nombreuses académies à travers le monde : Academia de Buenas Letras de Barcelone, Academia Europea, Académie irakienne des Sciences, Académie iranienne de Philosophie, Académie tunisienne des Sciences, Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Medieval Academy of America. L’École pratique des Hautes Études, où il avait enseigné durant l’année universitaire 1979-1980, et la Georgetown University de Washington lui avaient conféré le titre de docteur honoris causa. Son œuvre principale restera sa monumentale Theologie und Gesellschaft im 2. und 3. Jahrhundert Hidschra. Eine Geschichte des religiosen Denkens im frühen Islam, parue, de 1991 à 1997, en 6 épais volumes totalisant quelque 4000 p. Plus près de nous, en 2002, on mentionnera son ouvrage, en français, consacré aux Prémices de la théologie musulmane, dans lequel il avait réuni une série magistrale de conférences, données à l’Institut du Monde arabe, qui forment une introduction de référence aux problèmes fondamentaux de la réflexion théologique des débuts de l’islam. Josef Van Ess était membre des comités de direction de l’Encyclopédie de l’Islam et de l’Encyclopaedia Iranica. En 1999, le Prix international du Livre de la République islamique d’Iran lui avait été décerné et, dans la même année, il avait également reçu la médaille Giorgio Levi Della Vida pour les études islamiques à l’Université de Californie (Los Angeles).

Léon Vandermeersch

Nommé le 8 février 1991 correspondant français à la place de Sirarpie Der Nersessian, Léon Vandermeersch est décédé le 17 octobre 2021 à Paris, à l’âge de 93 ans.

Diplômé en chinois et en vietnamien de l’INALCO, docteur en droit, puis titulaire d’un doctorat d’État ès lettres, ancien membre de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO), Léon Vandermeesrch accomplit sa carrière à l’Université d’Aix-en-Provence, où il créa l’enseignement du chinois (1966-1973), à l’Université Paris VII, où il dirigea l’UER d’Asie orientale (1973-1979), et enfin à la Vᵉ section de l’École pratique des Hautes Études où il enseigna jusqu’à sa retraite en 1993. Après avoir assuré la direction de la Maison franco-japonaise de Tokyo en 1981-1984, il a dirigé l’EFEO de 1989 à 1993. Spécialiste de la Chine ancienne, de ses institutions et des premières inscriptions chinoises, Léon Vandermeesrch a conduit des travaux novateurs sur la pensée et les religions du monde sinisé, et en particulier sur l’histoire du confucianisme. Parmi ses nombreux ouvrages et contributions, on mentionnera sa thèse d’État consacrée aux fondements de la civilisation chinoise des Shang et des Zhou parue sous le titre : Wangdao ou la voie royale : recherches sur l’esprit des institutions de la Chine archaïque (1977-1980, 20092, 2 vol.), Le nouveau monde sinisé (1986), Études sinologiques (1994), Les deux raisons de la pensée chinoise. Divination et idéographie (2013) ou bien, plus près de nous, son livre-testament : Ce que la Chine nous apprend. Sur le langage, la société, l’existence (2019). Travailleur infatigable, le second volume de son Manuel de chinois classique (en coll. avec Mme Siyan Jin) a paru au mois de septembre dernier. Depuis 2017, l’Académie décerne, en collaboration avec la Fondation Mingyuan d’Hong Kong, un prix annuel de sinologie en l’honneur de Léon Vandermeesrch, fort généreusement doté. La création de ce prix illustre à elle seule l’étendue de la gratitude que le monde universitaire chinois témoignait à l’homme et au savant de son vivant, une gratitude que sa disparition n’abolira pas, une gratitude à laquelle l’Académie s’associe, car Léon Vandermeesrch en fut le bienfaiteur.

Lellia CRACCO RUGGINI

Élue, le 16 avril 2010, associé étranger de l’Académie, au fauteuil de Grégory Bongard LÉVINE, après avoir été nommée correspondant étranger le 14 mai 2004, Lellia CRACCO RUGGINI s’est éteinte à Turin le 27 juin 2021, à l’âge de 89 ans.

Historienne de l’Antiquité tardive, Lellia CRACCO RUGGINI mena, après une dizaine d’années d’enseignement exercé à l’Université de Pavie, sa carrière à l’Université de Turin où elle occupa, de 1968 à 1994, une chaire de professeur d’histoire romaine et dirigea, de 1968 à 1975, l’Institut d’Histoire ancienne de cette université, qui lui conféra l’éméritat en 1995. Son œuvre, féconde et originale, forte de plus de 300 articles et de nombreux livres, parmi lesquels on mentionnera Economia e società nell’Italia annonaria. Rapporti fra agricoltura e commercio dal quarto al sesto secolo dopo Cristo (1961, 20012), des contributions fondamentales à la Storia di Roma (Einaudi) comprenant La città imperiale (t. IV, 1989) et Il Tardo antico. Per una tipologia dei punti critici (t. III, 1993), ou bien encore son volume de référence sur les statuts des Juifs dans le monde romain : Gli Ebrei in età tardoantica. Presenze, intolleranze, incontri (2011), lui avait valu une haute réputation internationale. Membre de l’Accademia dei Lincei (Rome), de l’Accademia delle Scienze di Torino, de l’Accademia di Sant’Ambrogio (Milan) et de l’Academia Europaea (Londres), Lellia CRACCO RUGGINI était également fellow de l’Institute for Advanced Study (Princeton).

 

Pierre Guichard

Né le 5 novembre 1939 à La Côte-Saint-André (Isère), Pierre Guichard, qui avait été nommé correspondant français de l’Académie le 27 mars 1998, est décédé à Lyon le 6 avril 2021, à l’âge de 81 ans.

Historien médiéviste, Pierre Guichard était un spécialiste d’al-Andalus internationalement reconnu pour ses travaux novateurs en lien avec le problème général des contacts de civilisations différentes principalement dans l’Espagne musulmane, mais aussi au Maghreb — et notamment en Algérie où il conduisit, à la fin de sa vie, une enquête de terrain sur les traces millénaires des trajets routiers et de sites castraux dans la région de Tébessa, aux confins du territoire tunisien.

Agrégé d’histoire et ancien membre de la Casa de Velázquez, Pierre Guichard était professeur émérite d’histoire médiévale à l’Université Lumière-Lyon 2 où il enseigna de 1988 à 2004. Il dirigea également entre 1994 et 2003 l’UMR 5648 consacrée à l’histoire et à l’archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux au sein du Centre interuniversitaire d’Histoire et d’Archéologie médiévales (CIHAM). Son œuvre d’historien comporte un grand nombre d’ouvrages devenus immédiatement des classiques : sa thèse de doctorat de 3ᵉ cycle éditée en espagnol en 1976 sous le titre : Al-Andalus. Estructura antropológica de una sociedad islámica en Occidente, puis en français l’année suivante (Structures sociales « orientales » et « occidentales » dans l’Espagne musulmane, 1977) qui a marqué un tournant majeur dans l’historiographie d’al-Andalus ; avec les archéologues A. Bazzana et P. Cressier, Les Châteaux ruraux d’al-Andalus. Histoire et archéologie des Ḥuṣūn du Sud-Est de l’Espagne (1988) dont l’importance dans le monde rural andalou est mise en pleine lumière ; Les musulmans de Valence et la Reconquête (1990-1991), sa thèse d’État dans laquelle il interprétait la conquête chrétienne comme une rupture brutale de la société valencienne se traduisant par une expansion de la société féodale ; enfin son magistral Al-Andalus 711-1492. Histoire de l’Espagne musulmane (2000, publié en 2002 dans une version augmentée intitulée : De la conquête arabe à la Reconquête : Grandeur et fragilité d’al-Andalus) qui reste aujourd’hui comme l’une des meilleures synthèses dans le domaine. Fort intéressé par l’ancien artisanat de tradition berbère, Pierre Guichard se consacra également à l’étude des poteries de Tunisie, d’Algérie et du Maroc à usage domestique ou décoratif, fabriquées sans tour ni four, qui aboutit à la parution de l’ouvrage collectif intitulé : Par la main des femmes. La poterie modelée du Maghreb, dont il assura la direction.

Jehan DESANGES

Né à Nantes, le 3 janvier 1929, Jehan DESANGES, qui avait été élu membre de l’Académie, le 4 mai 2012, au fauteuil de Claude NICOLET, après avoir été nommé correspondant le 17 mars 2000, est décédé à Paris, le 25 mars 2021, à l’âge de 92 ans.

Antiquisant de haute réputation internationale, Jehan DESANGES était un spécialiste de l’Afrique du Nord gréco-romaine et le maître par excellence de la géographie historique de l’Antiquité classique, principalement de l’Afrique et de ses confins (mais non exclusivement) qu’il explora sous tous ses aspects (reconstitution des réalités géographiques sur le terrain et examen critique rigoureux des connaissances et des points de vue de la géographie des Anciens). Homme de terrain infatigable, il dirigea des missions de prospection archéologique sur le littoral de la République de Djibouti ; latiniste hors pair, il édita les livres de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien consacrés, d’une part, à l’Afrique du Nord et, d’autre part, à l’Éthiopie, à la mer Rouge et aux îles Fortunées, ainsi que la partie finale de la Géographie de Strabon. Agrégé de grammaire et docteur ès lettres, Jehan DESANGES assura au début de sa carrière diverses charges d’enseignement en Afrique (École des hautes études de Tunis, Universités de Dakar et d’Alger). Professeur émérite à l’Université de Nantes, il était directeur d’études émérite à l’École pratique des Hautes Études (IVe section). Reconnu internationalement, il avait séjourné plusieurs fois à l’Institute for Advanced Study à Princeton et à l’Université de Cincinnati. L’Université de Séville lui avait présenté en 2008 un livre d’hommages intitulé : Libyae lustrare extrema. Dévoué aux tâches d’intérêt général, il siégea notamment au Conseil national des Universités, aux Conseils d’administration et scientifique de l’École française de Rome, au conseil scientifique de l’lnstitut français d’Archéologie orientale (lFAO), au Comité des Travaux historiques et scientifiques (CTHS) où il participait activement aux travaux de la Commission d’histoire et d’archéologie de l’Afrique du Nord, et fut membre de nombreuses sociétés savantes (Études latines, Études éthiopiennes, Nubian Studies, Libyan Studies, Antiquaires de France, Étude du Maghreb Préhistorique, Antique et Médiéval ou bien encore Aouras). Organisateur de grands colloques internationaux, Jehan DESANGES collabora activement à plusieurs entreprises scientifiques collectives, dont l’Encyclopédie berbère et la série Graeco-Arabica, et il créa en 1961 avec Serge LANCEL (1928-AIBL 2001-2006) l’incontournable Bibliographie analytique de l’Afrique antique. À l’Académie, où il présenta de nombreuses communications passionnantes, il siégeait dans de multiples commissions de prix, ainsi que dans celles des Écoles françaises d’Athènes et de Rome ou bien encore de l’Afrique du Nord, aux travaux de laquelle il était plus particulièrement attaché.

Parmi les titres de sa riche bibliographie, on se bornera à citer : son ouvrage pionnier consacré aux relations entre Romains et tribus autochtones, et à la localisation de ces dernières (Catalogue des tribus africaines de l’Antiquité classique à l’ouest du Nil, 1962) ; sa thèse d’État sur les voyages et périples des Romains et leurs échanges avec les populations, parfois lointaines, localisées hors des frontières de l’Empire (Recherches sur l’activité des Méditerranéens aux confins de l’Afrique, VIe s. av. J.-C.-IVe s. ap. J.-C., 1978) ; sa publication dans les Mémoires de l’Académie, peut-être la plus profondément originale, consacrée au fonds Révoil du musée de l’Homme qui regroupe des artefacts découverts en Somalie attestant les relations entre la Méditerranée et l’Orient (Sur les routes antiques de l’Azanie et de l’Inde, 1993) ; sa direction, avec Cl. Lepelley et N. Duval, de La Nouvelle Carte des voies romaines de l’Est de l’Africa dans l’Antiquité tardive d’après les travaux de P. Salama (2010) dans laquelle il proposait un éloquent tableau de géographie historique réunissant les acquis de ses recherches sur les tribus africaines ; ou bien encore, pour clore cette brève recension, le volume de ses scripta minora intitulé d’après un ancien proverbe grec repris par Érasme et Rabelais : Toujours Afrique apporte fait nouveau (1999) — car Jehan DESANGES, personnalité bienveillante et chaleureuse, était aussi un lettré aux vastes curiosités, bref un humaniste selon les diverses acceptions que recouvre désormais ce terme.

Claude Brixhe

Né à Serrouville (Meurthe-et-Moselle) le 20 avril 1933, Claude Brixhe, qui avait été nommé correspondant de l’Académie le 17 décembre 1993, à la place de Francis Rapp, est décédé à Ars-Laquenexy (Moselle) le 2 mars 2021, à l’âge de 87 ans.

Helléniste et linguiste, considéré comme le « père de la dialectologie grecque », c’était le spécialiste internationalement reconnu des langues non grecques de faible attestation de l’Asie Mineure. On lui doit des travaux pionniers sur la phonétique évolutive et les interrelations linguistiques. Professeur émérite de linguistique ancienne à l’Université de Lorraine (Nancy), il dirigea les Presses universitaires de Nancy et une équipe du CNRS intitulée : « Diversité géographique et socio-linguistique du grec ancien ». Son originalité de dialectologue et sa compétence d’épigraphiste sur le terrain le conduisaient très souvent à effectuer des séjours d’été en Anatolie où il eut, de 1962 jusqu’à sa retraite en 1998, à séjourner près de vingt fois. Ses enquêtes le conduisirent notamment à rencontrer Michel LEJEUNE (1907-AIBL 1963-2000) avec lequel il co-publia en 1985 un Corpus des inscriptions paléo-phrygiennes. De son ample bibliographie savante, on retiendra également sa thèse de doctorat sur Le dialecte grec de Pamphylie. Documents et grammaire, parue en 1976 dans la Bibliothèque de l’Institut français d’Études anatoliennes d’Istanbul, son Essai sur le grec anatolien au début de notre ère (1987), un recueil réunissant des articles parus depuis 1975 et mis en cohérence avec les derniers résultats de ses recherches paru en 1996 sous le titre : Phonétique et phonologie du grec ancien I. Quelques grandes questions, sa collaboration à Polyxeni Tsatsopoulou-Kaloudi et al., Το ιερό του Απόλλωνα, Αρχαία Ζώνη Ι (Le temple d’Apollon, Zôné antique I), paru en 2015, où trois notices sur le temple d’Apollon, les inscriptions et la langue sont dues à sa plume, enfin un volume paru en 2016 sous le titre : Stèles et langue de Pisidie fournissant l’étude d’une quarantaine de documents. Auparavant, il avait présenté devant l’Académie deux communications très remarquées, publiées ensuite dans les Comptes rendus de l’Académie (CRAI) : « La date d’élaboration des alphabets grecs et phrygiens » (2004) et « Zoné et Samothrace, lueurs sur la langue thrace » (2006). Claude Brixhe contribuait également régulièrement au Bulletin épigraphique de la Revue des Études grecques.

Cyril Mango

Né le 14 avril 1928 à Istanbul, Cyril Mango, qui avait été nommé correspondant étranger le 31 mai 2002, à la place de Alvar Lopez, est décédé à Oxford le 8 février 2021, à l’âge de 92 ans.

Tout à la fois historien de l’art, archéologue, épigraphiste et philologue, Cyril Mango était un géant des études byzantines qui consacra une partie de sa longue carrière internationale à l’étude de sa ville natale, Constantinople. De 1963 à 1995, il professa, tour à tour, au King’s College de l’Université de Londres dans une chaire de langue et littératures grecques modernes et d’histoire byzantine, à Dumbarton Oaks (Washington D.C.) où il enseigna l’archéologie, enfin à l’Exeter College de l’Université d’Oxford où il tint des enseignements et des séminaires célèbres. Il forma plusieurs générations d’étudiants dont nombre sont devenus des maîtres contribuant par leurs travaux à la vigueur des études byzantines en Europe et aux États-Unis. Traducteur et commentateur de sources majeures comme les Homélies de Photius (1958), le Breviarium du patriarche Nicéphore (1990), les Lettres d’Ignace le diacre (1997) et la Chronique de Théophane le confesseur (1997), il publia beaucoup en français. Ami du regretté Gilbert DAGRON (1932-AIBL 1994-2015), il donna en 1983 des cours au Collège de France sur « Le développement urbain de Constantinople, IVe-VIIe siècle » qui furent édités dès 1985, puis réédités et complétés en 2004 et dirigea avec ce dernier, en 1993, un symposium mémorable à Oxford sur « Constantinople and its Hinterland », publié en 1995. Sa bibliographie compte plus de deux cents articles, dont un certain nombre a été réuni en 1993 dans un recueil intitulé : Studies on Constantinople. Parmi ses principaux ouvrages, se détachent tout particulièrement : Byzantium. The Empire of New Rome (1980), Byzantium and its image. History and Culture of the Byzantine Empire and its heritage (1984), ainsi que son essai intitulé : Deux études sur Byzance et la Perse sassanide (1985) qui a profondément renouvelé les connaissances sur l’affrontement de ces deux empires aux VIe et VIIe siècles. Cyril Mango fut, en 2002, le principal contributeur de The Oxford History of Byzantium. Membre de la British Academy, de l’American Academy of Arts and Sciences et du Deutsches Archäologisches Institut, il avait fait don de l’ensemble de ses livres à la bibliothèque Gennadeion à Athènes.

Jean RICHARD

Né au Kremlin-Bicêtre le 7 février 1921 dans une famille d’industriels d’origine autunoise, le Doyen Jean RICHARD, qui avait été élu membre de l’Académie, le 3 avril 1987, au fauteuil de Marcel SIMON, après avoir été nommé correspondant le 18 décembre 1970, à la place de Henri Rolland, est décédé à Dijon le 25 janvier 2021, à l’âge de 99 ans.

Médiéviste de très haute réputation internationale, il était universellement reconnu comme le meilleur spécialiste de deux domaines. D’une part, l’histoire de la Bourgogne depuis ses origines. D’autre part, celle des Croisades et de l’Orient latin. Sa maîtrise et son érudition dans chacun de ces domaines était d’ailleurs telle que certains savants étrangers ne voulaient pas croire que ses travaux émanaient d’une même personne. Personnalité scientifique exceptionnelle, il se distinguait par sa profonde courtoisie, une modestie enjouée et une bienveillance manifestée à chacun.

Ancien élève de l’École des Chartes, diplômé de l’École pratique des Hautes Études (IVe section) et ancien membre de l’École française de Rome, Jean RICHARD était professeur émérite de l’Université de Dijon où il enseigna durant plus de 30 ans, et ce dès l’âge de 34 ans, tout ensemble l’histoire, la littérature et le patois de la Bourgogne, après avoir exercé les fonctions d’archiviste de la Côte-d’Or. Doyen de la faculté des Lettres de cette Université de 1968 à 1971, il dirigea le Centre d’Études bourguignonnes de Dijon pendant pas moins d’un quart de siècle. Rédacteur dès 1948 des Annales de Bourgogne, Jean RICHARD fut l’animateur inégalable des sociétés savantes de la région, et au premier chef de l’Académie des Arts, Sciences et Belles-Lettres de Dijon, qu’il présida de 1978 à 1981. Membre d’honneur de la Société des Études chypriotes et associé honoraire de la Société des Arts de Genève, il avait été le premier à présider la Society for the Study of the Crusades and the Latin East. En 1995, l’Université d’Indiana lui conféra sa Golden Medal for Altaic Studies, et il reçut en 2006 le doctorat honoris causa de l’Université de Chypre. Très actif jusqu’il y a peu au sein de notre Académie qu’il présida en 2002 et dont il dirigeait avec un soin extrême la collection des Documents relatifs à l’Histoire de Croisades, il était l’une des figures tutélaires de la commission de Syrie-Palestine de notre Compagnie, où sa compétence exceptionnelle et la rigueur de son jugement l’appelait à siéger comme au sein de tant de nos commissions de prix. Autant de qualités réunies lui avaient valu auparavant d’assumer des responsabilités diverses au sein de nombre de conseils et organismes du monde universitaire et scientifique. Membre, entre autres, du Comité national de la Recherche scientifique à plusieurs reprises, puis du Conseil supérieur des Universités, membre actif durant quelque 25 années du Comité des Travaux historiques et scientifiques, il présida aussi le Comité de direction de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes et la Société de l’École des Chartes.

L’œuvre de Jean RICHARD est un monument. Sa bibliographie compte plusieurs gros ouvrages, devenus tous des classiques, ainsi qu’un nombre considérable d’articles dont beaucoup ont été réunis dans les quatre volumes parus entre 1976 et 1992 de la série Variorum portant sur les Croisades, la diffusion du christianisme dans l’Orient latin, les récits de voyages et de pèlerinages jusqu’en Asie centrale. Parmi les principaux ouvrages de Jean RICHARD, on se bornera à citer son Royaume latin de Jérusalem de 1953, son édition des manuscrits chypriotes des archives du Vatican de 1962, celle de l’Histoire des Tartares de Simon de Saint-Quentin de 1965, son Histoire de la Bourgogne plusieurs fois rééditée, ou bien encore son Saint Louis de 1983, situé au confluent de ses deux domaines de prédilection, et qui fut couronné par l’Académie française.

Giles CONSTABLE

Né le 1 juin 1929 à Londres, Giles CONSTABLE, qui avait été élu associé étranger de l’Académie le 11 février 1994, au fauteuil de Denis ZAKYTHINOS, après avoir été nommé correspondant étranger le 22 février 1985, à la place de Claudio Sanchez-Albornoz, est décédé à Princeton le 17 janvier 2021, à l’âge de 91 ans.

Spécialiste de la vie et des institutions monastiques de la France des XIe et XIIe siècles, et en particulier de l’histoire de l’abbaye de Cluny et de la réforme bénédictine, Giles CONSTABLE était un médiéviste de haute réputation internationale. Diplômé de l’Université de Cambridge, docteur de l’Université Harvard, il débuta sa carrière d’enseignant, après un bref passage à l’Université de l’Iowa, au sein de cet établissement fameux (1958-1977), puis gagna Princeton où il professa à l’Institute for Advanced Study (1985-2003) ; dans l’intervalle, il dirigea la Dumbarton Oaks Library and Collection (Washington D.C.). Il présida aussi, de 1980 à 1990, la Medieval Academy of America et, à ce titre, fut directeur de Speculum, la grande revue américaine d’histoire médiévale, dont il avait été l’un des co-directeurs dès 1958. Membre de nombreuses sociétés savantes, dont la Royal Historical Society (Londres), la Société des Bollandistes (Bruxelles), l’American Philosophical Association (Philadelphie), la Società Internazionale per lo Studio del Medioevo Latino, les Monumenta Germaniae Historica (Munich) ou encore l’Instituto Lombardo (Milan), il avait été élu par plusieurs académies européennes parmi les plus prestigieuses : la British Academy, l’Accademia dei Lincei à Rome et la Bayerische Akademie der Wissenschaften de Munich. Sa notoriété et l’ampleur de son œuvre lui avaient valu de recevoir les doctorats honoris causa des Universités Panthéon-Sorbonne, de Georgetown, du Longwood College ainsi que du Pontifical Institute for Medieval Studies de Toronto. De son œuvre impressionnante qui compte une vingtaine de livres et de très nombreux articles, on rappellera seulement ici son édition en 2 vol. des lettres de Pierre le Vénérable qui fut abbé de Cluny de 1122 à 1156 (1967), celle des statuts qu’il promulgua en 1146-1147 (1975), sa monographie sur Liberty and Free Choice in Monastic Thought and Life in the XIIth and XIIIth centuries (1985), ou bien ses deux dernières publications qui font la synthèse de son œuvre : The Reformation of the Twelfth Century (1996) et Cluny, from the Tenth to the Twelfth Century (2000). Très attaché à notre pays qui l’avait honoré en lui conférant les insignes de chevalier de la Légion d’honneur, Giles CONSTABLE avait fait don à la ville de Cluny des 13 000 volumes de sa gigantesque bibliothèque d’érudition. Installés au premier étage du bâtiment jouxtant le palais Jean de Bourbon, musée de cette ville, ils constituent le fonds de cette Bibliotheca cluniacensis dont cet éminent médiéviste souhaitait qu’il permette aux chercheurs de venir poursuivre leurs travaux sur cet ordre monastique qui rayonna même au-delà de l’Europe.