Fouilles archéologiques Projet « Péten Norte » : Naachtun (Guatemala)

Projet « Péten Norte » : Naachtun (Guatemala)

Depuis 2010 le Projet Naachtun étudie le site maya de Naachtun, situé au Guatemala en plein cœur des Basses Terres centrales mayas. Intitulé « Anatomie d’une capitale régionale maya de la période classique » ce programme pluridisciplinaire combine recherches archéologiques et études paléo-environnementales afin de reconstituer l’histoire politique, sociale et économique de cette puissante capitale de région maya ainsi que l’exploitation et la gestion des ressources du milieu au cours de son millénaire d’occupation (150-1000 ap. J.-C.). Depuis 2017, ce programme bénéficie d’une couverture LiDAR de 135 km² qui renouvèle complètement nos connaissances et notre perception, tant de la cité et de son hinterland (son territoire de contrôle) que de l’anthropisation des paysages qui lui sont directement associés, en l’occurrence toutes les transformations du paysage, quasi imperceptibles sur le terrain à des fins hydrauliques (canaux, réservoirs, digues) et agricoles (terrasses, champs surélevés). Au cours des deux années écoulées, 2016-2017, le projet Naachtun a bénéficié du Label d’excellence de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, label qui vient de lui être renouvelé pour les années 2018-2019. Il a reçu en 2018, sur propositions e l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le grand prix d’archéologie de la fondation Simone et Cino del Duca.

En 2018, le projet Naachtun entend poursuivre ses recherches menant à la compréhension de cette cité emblématique au travers de plusieurs axes : d’une part, la compréhension de la fin de l’occupation de la cité au travers de la fouille d’une unité parmi les plus tardives du site, dont la morphologie (structure en « C ») rappelle fortement les habitats du postclassique dans le nord du Yucatan ; d’autre part, la poursuite de la reconstitution de la séquence d’édification de la grande acropole funéraire de la cité au Classique ancien (250-550 ap. J.-C.) qui a été le lieu d’inhumation des grands souverains de la cité pour cette période ; enfin, les premières recherches à une échelle micro-régionale consistant en la vérification, sur le terrain, de données ou d’anomalies observées sur l’imagerie LiDAR. Cela concerne, d’un point de vue environnemental, les denses réseaux de canaux repérés en secteurs marécageux au pourtour de la cité (+ de 300 km repérés), tandis que d’un point de vue archéologique, cela concerne toute une série de centres secondaires, inconnus jusque-là et détectés sur l’imagerie LiDAR, dont certains ont de grande chance, eu égard à leur morphologie, d’être antérieurs (datant sans doute du préclassique : 600 av.-150 ap. J.-C.) à l’occupation principale de la cité. En parallèle, les analyses LiDAR se poursuivront en 2018 dans l’hinterland de la cité où près de 12 000 structures ont d’ores et déjà été identifiées, révélant ainsi une densité d’occupation bien supérieure à la plupart des grandes cités mayas déjà cartographiées par ce genre d’outils.

Par ailleurs, du point de vue de la restauration-conservation des monuments du site, cette saison 2018 verra la mise en place sur le terrain d’un programme pilote de conservation des stèles calcaires de Naachtun avec l’expérimentation d’un protocole inédit de re-minéralisation de la pierre calcaire afin de mettre en place, dans les années qui viennent, si les tests sont concluants, un programme de conservation adapté à ces monuments sculptés et à la qualité du calcaire local. Finalement, nous terminerons par mentionner que cette année 2018 a déjà été marquée par l’obtention du prestigieux Prix Cino del Duca, sous l’égide de l’académie des inscriptions et Belles lettres, ce qui va amplifier et accélérer nos programme d’analyses sur les différents matériels (archéologiques et environnementaux) et faciliter la préparation des deux premiers volumes faisant état des résultats issus des deux premières phases du projet (2010-2014 et 2015-2018).

Fouille d’un vaste dépôt d’abandon composé d’innombrables tessons et de cendres, et placé à l’intérieur du temple funéraire V-f de l’acropole royale du Groupe C, datée du Classique ancien. Cet édifice V-f, vénéré pour sa position axiale au cœur de l’acropole V et associé à un autel monolithique, fouillé en 2017, qui a livré de nombreux dépôts rituels associés, a fait l’objet d’un rituel exceptionnel fouillé en partie en 2018 et dont les analyses, tant céramiques qu’anthracologiques, sont en cours. De celles-ci dépendront la datation de cette concentration exceptionnelle, de la fin du Classique terminal au moment de l’abandon (vers 950 ap. J.-C.) ou bien déjà du Postclassique Ancien (1050-1250 ap. J.-C.) et déjà en contexte de post-abandon.

 

Identification de tout un réseau de canaux, sans doute d’origine agricole au cœur du marais nord de Naachtun. Ces levées de terre, qui représentent des volumes considérables de sédiments déplacés en lien avec l’agriculture, servaient à l’irrigation, au drainage (ou au deux) de petits billons cultivés entre chaque canal. Les analyses en cours devront permettre de déterminer s’il s’agit d’une agriculture de type céréalière ou bien de sylviculture d’espèces d’arbres très utiles aux Mayas pour leur bois, leurs fruits ou leur sève. Au premier plan, le marais ; à l’arrière-plan, en bordure, le site de Naachtun.

 

La stèle 24 de Naachtun est un monument illustre et un maillon clé dans l’histoire politique de la cité puisqu’elle a révélé en 2014 le rôle joué par la cité de Naachtun dans la prise de pouvoir à Tikal en 378 apr. J.-C. par l’émissaire du gouverneur de Teotihuacan. Si en 2017, une tentative de re-minéralisation du monument avait été tentée avec succès sur sa façade avant, en 2018, il s’agissait de restaurer sa partie arrière qui se délitait en couches verticales et qui menaçait la stabilité de l’ensemble du monument. Les images ci-dessus montre l’état du monument avant et après intervention.

 

Philippe Nondédéo

directeur du projet, chargé de recherche, CNRS UMR 8096, Archéologie des Amériques.

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