Fouilles archéologiques Mission paléoanthropologique dans l’Omo (formation de Shungura) (Éthiopie)

Les grandes étapes de l’évolution humaine

Les grandes étapes de l’évolution humaine.

La plupart des grandes étapes de l’évolution de l’Humanité – de la divergence de notre lignée et de celle des chimpanzés et bonobos jusqu’à l’avènement de notre espèce, Homo sapiens – ont eu lieu sur le continent africain. Notre connaissance de certaines de ces étapes a nettement progressé depuis une vingtaine d’année, par exemple sur les représentants de notre lignée plus anciens que 5 millions d’années (Ma) et les premiers représentants d’Homo sapiens. Toutefois, certains de ces « moments clefs » de notre évolution sont relativement peu documentés : leurs déroulements et leurs facteurs principaux restent donc largement à décrire et comprendre. C’est le cas notamment de l’apparition et le développement des premiers industries lithiques, à partir de 3,3 Ma et jusqu’à 2 Ma ; de l’avènement du genre Homo, divergeant des australopithèques et notamment des formes robustes autour de la transition Plio-Pléistocène, entre 3 Ma et 2 Ma ; de la première phase d’expansion des représentants du genre Homo vers l’Eurasie, attestée à partir de 1,8 Ma ; de l’évolution progressive d’Homo erectus vers les formes souches d’Homo sapiens, autour de 1 Ma.

 

Un registre unique de notre évolution en Afrique orientale

Pour étudier ces quatre phases clefs, la formation de Shungura dans la basse vallée de l’Omo constitue une source particulièrement appropriée. Cette formation affleure selon une bande nord-sud de près de 60 km dans le Sud-Ouest éthiopien, sur la rive ouest de l’affluent principal du lac Turkana. Elle est constituée par un empilement de près de 800 m de sédiments fluviatiles, deltaïques et lacustres et de cendres volcaniques. De manière exceptionnelle en Afrique orientale, ces dépôts ont eu lieu de manière presque continue de 3,6 Ma à moins de 1 Ma, la séquence étant scandée par de nombreux marqueurs radio-isotopiques et magnétostratigraphiques qui confèrent à ses différentes strates une résolution temporelle précise.

 

Cette approche repose sur la combinaison de campagnes de terrain documentant précisément le contexte géologique et spatial de chaque découverte d’une manière homogène à l’échelle de la formation, d’un travail de révision et d’analyse de la paléobiodiversité de Shungura, d’un replacement des industries lithiques dans leurs cadres géographique et environnemental, et de la caractérisation écologique des paysages révolus de Shungura (dynamiques sédimentologiques à grande et petite échelles, couvert végétal, régimes alimentaires, paléotempératures, saisonnalités) par des méthodes récentes (biogéochimie isotopique, micro-textures de l’émail dentaire, stratigraphie séquentielle).

 

 

Recherche en action et coopération scientifique internationale.

Pour les années 2018 et 2019, les principaux objectifs de la Mission paléoanthropologique dans l’Omo sont : 1) d’établir une séquence sédimentologique interprétative des fluctuations du niveau lacustre à Shungura ; 2) de réaliser la fouille complète d’occurrences archéologiques inédites autour de 2,3 Ma ; 3) de documenter les niveaux les plus récents de la formation en termes de biodiversité et de témoins comportementaux, pour une période mal connue d’endémisme marqué dans la région ; 4) de compléter les données paléontologiques acquises pour l’intervalle mal connu 3 Ma-2,5 Ma, au cours duquel l’émergence des genres Paranthropus et d’Homo ont probablement eu lieu. Les missions de terrain de juillet-août 2018 et juillet 2019 impliqueront plus d’une trentaine de participants. Ces missions demanderont une logistique conséquente, Shungura étant située à plus de 800 km d’Addis Abeba dans une zone semi-aride dépourvue de toute infrastructure.

Enfin, il est important de noter que les travaux scientifiques de la Mission paléoanthropologique dans l’Omo sont également réalisés dans un cadre de coopération dynamique entre la France et l’Éthiopie sur les outils de la recherche, la formation des collègues éthiopiens et la diffusion des connaissances. Notre mission a ainsi un rôle déterminant dans la création d’expositions permanentes de paléontologie et de préhistoire, dans la mise en place de cours et séminaires délivrés aux personnels du ministère de la Culture et du Tourisme éthiopien (ARCCH) et des étudiants de l’université d’Addis Abeba, et dans la structuration des collections paléontologiques et préhistoriques du musée national d’Éthiopie.

Jean-Renaud Boisserie

directeur de recherche au CNRS, directeur de la Mission paléoanthropologique dans l’Omo jean.renaud.boisserie@univ-poitiers.fr

 

Principaux acteurs et partenaires

  • laboratoire Paléontologie Évolution Paléoécosystèmes Paléoprimatologie (UMR 7262 PALEVOPRIM, CNRS & Université de Poitiers)
  • Centre français des Études éthiopiennes (USR 3137 CFEE, CNRS & ministère de l’Europe et des Affaires étrangères)
  • Authority for Research and Conservation of the Cultural Heritage (ARCCH, ministère de la Culture et du Tourisme, Éthiopie)
  • De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (UMR 5099 PACEA, CNRS & Université de Bordeaux)
  • Institut de Physique du Globe de Strasbourg (UMR 7516 IPGS, CNRS & Université de Strasbourg)
  • Leibniz-Institut für Evolutions- und Biodiversitätsforschung, Museum für Naturkunde (Berlin)
  • Human Evolution Research Center (HERC), University of California Berkeley
  • Centre national de la Recherche scientifique
  • ambassade de France en Éthiopie
  • ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
  • fondation Fyssen
  • région Nouvelle Aquitaine

 

Pages web

 

Liens complémentaires

 

Légende des figures 

  • Fig. 1 : Vue de la localité L 1 de la formation de Shungura (Membre B, daté entre 3,4 Ma et 2,9 Ma), dans la partie nord (aire type).
  • Fig. 2 : Travaux de la Mission paléoanthropologique dans l’Omo. De gauche à droite et de haut en bas : repérage d’outils lithiques à OMO 1/E (daté vers 2,3 Ma) ; extraction d’une mandibule de rhinocéros à L 834 (daté vers 3,0 Ma) ; en route vers la zone de prospection ; acquisition des données contextuelles lors de la collecte d’un spécimen paléontologique ; opération de tamisage sur un site à hominidé (daté de 2,4 Ma).
  • Fig. 3 : L’équipe internationale (Éthiopie, France, Allemagne, États-Unis, Grande-Bretagne, Italie) de la Mission paléoanthropologique dans l’Omo (campagne 2016).
  • Fig. 4 : Fossiles et industries de Shungura. De gauche à droite et de haut en bas : mandibule de cercopithécidé ( 1 Ma) ; mandibule d’hippopotamidé (2,7 Ma) ; squelette de siluriforme (1,2 Ma) ; crâne de bovidé (1,8 Ma) ; palais de cercopithécidé (2,6 Ma) ; industrie sur quartz (2,3 Ma) ; crâne de crocodilien (1,9 Ma) ; crâne de suidé (1 Ma).