Séances Séance du 30 octobre 2015

Séance publique à 15h30, en grande salle des Séances

Note d’information de Mme Alison Betts, professeur à l’Université de Sydney, sous le patronage de M. Paul BERNARD  : « Des divinités avestiques sur les peintures murales d’Akchakhan-kala, Ouzbékistan ».

Résumé : Les fouilles du site royal d’Akchakhan-kala au Khorezm (delta de l’Amou-darya), menées par la mission karapalkapo-australienne, ont produit une remarquable collection de peintures murales datant d’environ le milieu du Ier siècle avant notre ère. Elles comprennent notamment une galerie de « portraits » et une « procession » de chevaux et peut-être de chameaux. On présente ici deux nouvelles peintures d’un type entièrement nouveau et d’une grande importance historique et religieuse. Ces peintures qui décoraient le mur arrière d’une salle hypostyle dans le « complexe cérémoniel » représentent deux personnages debout dont la taille à l’origine avoisinait six mètres de hauteur. Leurs costumes et accessoires traduisent une symbolique riche, et des détails fins sur des pièces de leurs vêtements montrent des scènes importantes de l’activité rituelle. On suggère ici que ces personnages figurent des divinités avestiques, sans doute Srōsh et une personnification des Fravashis. Cette note se veut être une présentation préalable de la question. Mots-clés : L’Asie Centrale, Peintures Murales, Religion, Avesta, Divinités

Abstract : Excavations at the royal seat of Akchakhan-kala in Khorezm (the Amu-dar’ya delta), led by the Karakalpak-Australian Expedition, have produced a remarkable collection of wall paintings dating around the mid-1st century BCE. These include a gallery of ‘portraits’ and a ‘procession’ of horses and possibly camels. This paper presents two new paintings of a completely new type and of much historical and religious significance. The paintings, which decorated the back wall of a hypostyle hall in the Ceremonial Complex, depict two figures originally standing around six metres in height. Their costumes and accessories are rich in symbolism and the fine details on parts of their clothing show important scenes of ritual activity. It is suggested here that these figures represent Avestan deities, certainly Srosh and a personification of the Fravashis. This paper presents an introductory discussion of the figures and their identifications.Keywords : Central Asia, Wall Paintings, Religion, Avesta, Gods

Communication de M. Victor Stoïchita, Professeur de l’Université de Fribourg, sous le patronage de MM. Jean-Pierre BABELON et Roland RECHT : « De quelques dispositifs télépathiques. Carpaccio à la Scuola degli Schiavoni de Venise ».

Résumé : L’un des plus célèbres teleri réalisés par Vittore Carpaccio au début du XVIe siècle pour la Scuola degli Schiavoni de Venise représente, on le sait aujourd’hui, saint Augustin dans sa chambre de travail. Pièce importante du cycle commandé par les dalmates de Venise (les schiavoni) pour honorer leur protecteur, saint Jérôme, le telero fut longtemps considéré, mais de façon erronée, comme une représentation de Saint Jérôme dans son oratoire. La force d’une certaine iconographie hiéronymite fut probablement la première responsable de la persistance de cette fausse identification, fait auquel s’ajouta sans doute le contexte réel de la Scuola. Certaines incohérences d’ordre iconographique et topographique surgirent néanmoins bientôt. Plusieurs études, dont celles signées par Helen Roberts (1959) et Agusto Gentili (1996) ont contribué à la clarification de la scène. Elles ont montré que le telero s’inspirait d’une lettre apocryphe d’Augustin à Cyril, patriarche de Jérusalem, évoquant une expérience-limite advenue au moment même de la mort de Jérôme anno Domini 420. Dans la lettre (et dans le tableau qui s’en inspira), Augustin, se trouvant à Hippone, au nord de l’Afrique, s’apprête à écrire une missive adressée à son maître à penser, Jérôme, qui se trouvait alors à des milliers de milles de distance, à Bethléem. Mais, à peine la lettre à Jérôme commencée, Augustin fut miraculeusement informé du trépas de son destinataire. La relation épistolaire s’interrompt pour faire place à une expérience télépathique.

Nous nous proposons de reprendre le débat, en prenant essor de la constatation que le peintre vénitien devait se confronter à la mise en scène de deux des plus grands défis jamais subis par la représentation : le prodige de la transmission à distance et la création, en image, d’une réalité intermédiaire, à mi-chemin entre présence et absence. A ce faire, nous centrerons notre questionnement sur le dispositif visuel conçu par Carpaccio, mais nous interrogerons aussi le texte qui lui servit de point de départ.. La complexité de cette relation est due au caractère visionnaire de l’événement relaté et au fait que tant le dispositif textuel que le dispositif pictural se confrontent, chacun à sa manière, à une communication brouillée.